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110531 Réforme de la fiscalité du patrimoine: quels enjeux pour les PME

Réforme de la fiscalité du patrimoine: quels enjeux pour les PME?

31 mai 2011
 

     Indépendamment de leurs opinions politiques, 88 % des Français estiment que le financement des PME est un sujet prioritaire. PME Finance et l'Institut Pro-Actions ont présenté en exclusivité, mardi 31 mai, un sondage UFG-LLP/OpinionWay qui montre ce résultat étonnant. «Les PME permettent une véritable proximité humaine: l'attachement et l'empathie prévalent ainsi sur les préoccupations idéologiques» explique Julien Goarant d'OpinionWay. En comparaison, seuls 58 % des interrogés se disaient intéressés par l'investissement socialement responsable, sujet pourtant consensuel.
 

Julien Goarant (OpinionWay): «L'attachement et l'empathie dominent les préoccupations idéologiques»


79 % des Français estiment également que le financement des PME est insuffisant; 71 % des Français sont favorables à la déduction ISF PME. Et 47% seraient prêts à investir dans une PME contre un avantage fiscal. Comment répondre à leurs attentes ?
A la tribune, de gauche à droite: Grégoire Sentilhes (NextStage), Gérard Rameix (Médiateur du Crédit), Philippe Adnot (sénateur), Dominique Leblanc (Institut Pro-Actions), Denis Rodarie (UFG-Siparex), Arnaud Caudoux (Oséo), Jean Rognetta (PME Finance)
Première étape: analyser les besoins économiques et financiers des entreprises. D'abord une bonne nouvelle: pour Gérard Rameix, les fonds propres des PME françaises ont plutôt bien résisté à la crise. Le Médiateur du Crédit, qui vient de rendre un rapport controversé, suggère de déplacer la focale de la finance vers la compétitivité des entreprises françaises.
 

Pour Gérard Rameix, Médiateur du Crédit, le problème des PME est économique plutôt que financier

     Mais il faut penser dans la durée: pour Grégoire Sentilhes, président de NextStage, le rapport de l'Observatoire du Financement des PME de la Médiation du Crédit masque un retard d'investissement en France au cours des vingt dernières années. Plus encore que leur montant, le vrai problème est celui de la rentabilité des fonds propres dans notre pays, qui reste très basse. Le Médiateur du Crédit précise son propos : le rapport  rappelle simplement la bonne santé des fonds propres des PME. Mais il reconnaît que cette bonne tenue masque une baisse des investissements de 15 % entre 2008 et 2009.
Le rappel risque d'arriver tard. Le sénateur Philippe Adnot craint que le rapport ne devienne un argument fallacieux aux mains des investisseurs. Plutôt que de regarder les fonds existants, il faut voir les entreprises qui naîtront des investissements d'aujourd'hui.
 

Le crédit menacé: quelles solutions pour l'investissement ?
 

     Car c'est bien l'investissement qui inquiète les entrepreneurs. Grégoire Sentilhes anticipe une baisse de 90 % du crédit: c'est tout le tissu des PME françaises qui est aujourd'hui menacé. Les ressources en capital ne sont pas plus disponibles, et les marchés financiers restent choqués par la crise: la risque d'un credit crunch se double d'un equity crunch. Comment éviter le pire?
Grégoire Sentilhes rappelle que même en Chine et aux Etats-Unis, l'Etat joue un rôle majeur dans l'investissement. Les aides de l'Etat ont été elles aussi en recul pour faire face au déficit; mais une intervention d'origine publique est aujourd'hui nécessaire. Le Trésor envisage actuellement l'émergence de covered bonds destinés au crédit PME, et doit présenter cette semaine un rapport sur le sujet. Mais surtout, le Fonds National d'Amorçage et l'ensemble des fonds issus du grand emprunt vont venir renforcer l'action étatique.
Grégoire Sentilhes (NextStage)
 

     Le dispositif ISF-PME, quoi qu'il en soit, doit être maintenu et renforcé. Les fonds fiscaux ont joué un rôle contracyclique majeur face à la crise: la baisse des taux de défiscalisation semble déjà assez malvenue face à la disette de l'investissement. Grégoire Sentilhes l'annonce déjà: on aura entre 20 % et 50 % de baisse de la collecte cette année. «La filière du capital-risque pour les PME a mis quinze ans à  se structurer, rappelle Gilles Babinet, Président du Conseil National du Numérique, et c'est seulement maintenant qu'elle peut vraiment agir: ce serait vraiment dommage de la mettre en danger».
      Au contraire, il faut aller plus loin, d'abord sur le plan administratif: Denis Rodarie (UFG-Siparex) voudrait réunir l'IR et l'ISF et adapter les délais à la réalité professionnelle. On pourrait aussi déplafonner la défiscalisation: la Grande-Bretagne a obtenu une dérogation au plafond européen de 2,5 milliards d'euros pour des situations sortant du cadre du marché. Pourquoi pas en France? Les idées ne manquent pas: on pourrait aussi remettre au goût du jour les Sociétés de Financement de l'Investissement (SFI) pour défiscaliser l'impôt sur les sociétés, comme l'évoque l'avocat Daniel Schmidt.
Philippe Gluntz (France Angels)
 

     Pour autant, il ne s'agit pas de se tourner exclusivement vers les deniers publics: «On ne veut pas que le financement des PME provienne uniquement de la défiscalisation», rappelle Arnaud Caudoux (Oséo). Gérard Rameix fait aussi remarquer que l'effet de levier ne semble plus totalement fonctionner auprès des investisseurs... Il faut explorer de nouvelles pistes pour intégrer les acteurs privés et les particuliers. Denis Rodarie a participé au groupe de travail FIP-FCPI de l'AFG: il propose ainsi d'orienter les PME d'une part vers l'épargne salariale défiscalisée, de l'autre vers les assurances-vie.  
 

Rediriger l'épargne
 

     Le paradoxe a été soulevé à plusieurs reprises: la France est le quatrième épargnant mondial, et pourtant les PME risquent de subir une baisse drastique des investissements. Or d'après le sondage UFG-OpinionWay, 47 % des Français sont prêts à s'engager financièrement auprès d'une PME, et ce même pour les revenus modestes (40 %). L'épargne française est prête à s'investir: comment la canaliser?
«Il faut réfléchir aux priorités en terme d'épargne longue», constate Didier Bench (Silverlake Sumeru). L'appel s'adresse d'abord aux banques: l'avocat Daniel Schmidt leur propose de monter des produits obligataires pour les PME, afin de réduire les prises de risques via l'equity...
Benoît de Juvigny (AMF) et le sénateur Philippe Adnot
 

     L'épargne salariale pèse aussi dans les investissements en action, le plus souvent via des holdings. Benoît de Juvigny (voir vidéo) rappelle ici le rôle que peut jouer Alternext: échappant aux règles européennes, ce marché créé il y a six ans offre une plus grande flexibilité. Christian Poyau (Croissance Responsable) travaille justement à la création d'un fonds dédié aux PME sur cinq ans.
 

Benoit de Juvigny, secrétaire général adjoint de l'AMF: éviter l'instabilité juridique, favoriser les placements pérennes

     Mais la frilosité des investisseurs pointe au-delà d'une question de dispositifs. Comme le rappelle Benoît de Juvigny, les taux restent très encourageants: «Les Français manquent simplement d'appétit». C'est un enjeu de culture: d'après  le député Jean-Michel Fourgous, la France perd un point de croissance chaque année à cause de sa sous-culture économique... Il y a encore un important travail d'explication à faire.
Une période charnière
     La conférence s'est terminée sur une note grave: «Nous sommes à une période charnière», affirme Jean-Hervé Lorenzi. L'Etat a un rôle à jouer, par la coordination des différents acteurs et dispositifs, pour couvrir l'ensemble de la chaîne d'investissement. L'économiste a aussi souhaité voir le capital-risque de provenance publique passer de 3 à 5 milliards d'euros.
 

 
Jean-Hervé Lorenzi: «Nous sommes à une période charnière»

     La question n'est pas de savoir comment payer, mais de se poser des objectifs ambitieux: «Les investissements d'aujourd'hui font les profits de demain», rappelle Grégoire Sentilhes. La France a de nombreux atouts à jouer: parmi eux, sa jeunesse, plus disposée à agir, et ses PME innovantes. Gilles Babinet rappellait ainsi que le numérique représente 33 % de la croissance du PIB français. La France peut faire partie des fleurons mondiaux de l'informatique et créer encore un million d'emplois dans les années à venir, si l'Etat s'en donne les moyens (voir la vidéo). Pour Gilles Babinet, les candidats de 2012 devront avoir une véritable ambition politique pour les PME, qui englobe aussi une politique d'enseignement et d'aménagement du territoire.

 Gilles Babinet, président du Conseil National du Numérique: la France a des cartes à jouer, si elle s'en donne les moyens

Bastien Charbouillot / Marianne Rigaux