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120209 Du corporate au multicorporate venture:

9 février 2012

Du corporate au multicorporate venture: l'ascension du capital-investissement d'entreprise

51 milliards d’euros investis en dix ans, près de 10 000 entreprises concernées dans le monde pour un total de 3 000 fonds: à l'international, les groupes industriels pèsent lourd sur le financement des PME. Une vague de fond(s) qui atteint le littoral des PME  françaises.

Au niveau mondial, 120 groupes de corporate venture, qui permettent aux grands groupes d'investir dans des PME, ont émergé l'an passé et les investissements émanant de corporate ont représenté 18 % des mouvements de capitaux. En France, plus de vingt structures d’investissement opèrent au sein de groupes hexagonaux ou étrangers. Certains, comme Veolia ou Microsoft, se contentent d'un programme de dynamisation de leur écosystème. D'autres, comme Mérieux Développement, adoptent le modèle traditionnel des fonds captifs qui poursuivent simultanément un intérêt financier et celui du groupe dont ils sont issus. Certains, comme Intel Capital, forment même une division à part entière: un capital-risqueur intégré, sans autre objectif que la rentabilité des investissements. Et on voit maintenant émerger des structures «multi-corporate»:  plusieurs groupes mettent en commun leurs moyens financiers et les confient à une équipe d'investissement. En 2011, le fonds Ecomobilité Venture (SNCF, Total, Orange et Peugeot) est ainsi entré en activité, pendant que France Télécom et Groupe Publicis ont annoncé la création d'un fonds commun.

Au moment où le manque de rentabilité menace le financement des entrepreneurs technologiques en France, le multicorporate venture (MCV) pourrait prendre le relais et préserver les savoir-faire d'investissement. A  l'occasion de la publication de l'étude de l’Observatoire des Entrepreneurs de PME Finance consacrée à ce sujet, l'association a réuni, jeudi 2 février, entrepreneurs et investisseurs pour illustrer les mécanismes spécifiques à ce mode de financement. Ce petit-déjeuner/débat a tâché de faire  la lumière sur les structures, les processus et les stratégies d’investissement des corporate venture, de mesurer l'empreinte de ces grands groupes industriels sur le marché du capital-risque et de comprendre l'intérêt pour un entrepreneur de leur ouvrir les portes de son capital.

 

La parole aux corporate

Trois représentants de fonds corporate ont tout d'abord investi la tribune pour témoigner de leur expérience dans le domaine.

 

Jean-Marc Bally président d'Aster Capital Partners

En 2009, Schneider Electric, Alstom et Rhodia créent Aster Capital Partners, une société de gestion multicorporate, né de l'émancipation d'Aster Capital, un fonds captif Shneider Electric créé 9 ans plus tôt.

 

Fabienne Herlaut, présidente d'Ecomobilité Venture

Créé en 2011, Ecomobilité Venture est un fonds multicorporate doté de 30 M€ et détenu à 50% par la SNCF, et à parts égales entre Total, PSA et Orange. Il fait suite à Ecomobilité Partners, l'ancien fonds corporate 100 % SNCF.

 

François Valencony, président de Mérieux développement

Mérieux Développement est le fonds corporate du groupe familial Mérieux. Il est détenu à 100 % par l'Institut Mérieux et dispose de 70 M€ de ressources pour la période 2010-2014.

 

          - Les objectifs d'un corporate venture

Plusieurs motivations président à l'investissement d'un corporate venture dans une société. François Valencony (Mérieux Développement) y voit deux intérêts distincts. Le premier qualitatif consistant à créer de la valeur pour l'entreprise, et le second quantitatif visant un retour sur investissement. En revanche, il exclut toute dimension stratégique, à l'instar de Jean-Marc Bally (Aster Capital Partners) qui explique que les motivations des corporate passent d'abord par la capacité du fonds à capter les tendances du marché, mais en aucun cas à faire un travail de prospection en vue d'une acquisition. Et, au-delà de la performance financière espérée, il insiste sur la veille technologique qu'Aster Capital Partners est en mesure d'opérer. Au contraire de Fabienne Herlault (Ecomobilité Venture) qui assure que les investisseurs sont en priorité guidés par le spectre du profit, bien qu'ils se réjouissent également de la synergie et du dialogue que les projets sont capables de produire au sein des équipes. La plus-value opérationnelle donc, du multicorporate.

Les objectifs d'un corporate venture

 

          - La pérennité des fonds de corporate venture

Dans le domaine du capital-risque, où l'investissement intervient généralement au stade de gestation du projet, il est essentiel que l'entrepreneur ait la garantie d'un accompagnement sur le long-terme. Au même titre que le venture capital, la pérennité du corporate venture est un gage de stabilité. Pourtant, la dernière bulle a vu émerger près de 600 fonds corporate, parmi lesquels, seuls 200 étaient encore actifs deux ans plus tard, souligne Jean-Marc Bally (Aster Capital Partners). Selon lui, on peut donc d'ores et déjà prédire la disparition d'un certain nombre de fonds qui, en raison du manque de rentabilité financière, se seront désistés. Cependant, tant que des entrepreneurs armés de bons projets continueront de solliciter les corporate venture, les fonds perdureront, rassure Fabienne Herlault (Ecomobilité Venture).

 

La pérennité des fonds de corporate venture

 

La relation entre le corporate venture et l'entrepreneur

Afin de donner une illustration de la relation que peuvent tisser un corporate et un entrepreneur, Georges Karam, fondateur de Sequans Communication, et Laurent Le Gourrierrec d'Alcatel-Lucent sont venus témoigner de leur collaboration. Alcatel-Lucent a investi à trois reprises dans Sequans, un fabricant français de puces pour téléphones portables récemment introduit sur la Bourse de New-York. Laurent Le Gourrierrec, directeur exécutif M&A chez Alcatel-Lucent, dirige également un fonds corporate investissant directement et indirectement via des fonds indépendants. Il voit un triple intérêt d'investir dans des start-ups pour un groupe tel qu'Alcatel-Lucent. Cela permet de répondre à des besoins technologiques généraux ou spécifiques à certains clients, et enfin de découvrir des tendances de marché, «de mieux comprendre un écosystème». Du point de vue de l'entrepreneur, l'entrée d'un corporate est un moyen de lever des fonds propres supplémentaires une fois que la société a atteint un seuil capitalistique élevé, généralement dissuasif pour l'arrivée de nouveaux capitaux-risqueurs traditionnels. Outre cette dimension financière, Georges Karam y trouve un intérêt stratégique: son alliance avec Alcatel lui a permis de gagner de nouveaux marchés.

 

La relation entre le corporate venture et l'entrepreneur

 

Deux craintes peuvent justifier la réticence d'un entrepreneur à laisser un corporate venture intégrer son capital: que celui-ci cherche tôt ou tard à s'emparer de la société ou qu'il s'enquière de dossiers confidentiels. Laurent Le Gourrierrec minimise ces inquiétudes. Selon lui, le groupe industriel n'a pas vocation à prendre le contrôle de l'entreprise, ni à influencer sa stratégie. Le conseil de Georges Karam pour prévenir ce genre de situation consiste à faire entrer deux investisseurs industriels au minimum, idéalement concurrents.

 

La relation entre le corporate venture et l'entrepreneur

 

 

Le marché français du corporate venture

 

A propos de l’étude

Les Echos Etudes présentent les structures, les processus et les stratégies d’investissement des grands groupes, résultat d’un benchmark français et international, avec 23 monographies dans différents secteurs d’activités avec les témoignages d’experts sectoriels, responsables de grands groupes industriels, gestionnaires de fonds corporate et de fonds d’investissement indépendants.


L’étude rédigée par Isabelle Veil, est disponible sur le site eurostaf.fr. Les membres de PME Finance pourront bénéficier d'une réduction de 20% pour tout achat effectué avant le 29 février 2012.

 

Guillaume Caramelle