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Florence Moulin

Florence Moulin, avocate à la Cour (Jones Day)

28/04/2015

Projet de loi Macron : un coup de pouce aux réductions d'IR et d'ISF?

Il y avait eu des signes précurseurs. En fin d'année, le Parlement a décidé de libéraliser les holdings (non animatrices) IR et ISF . D'abord, elles ne sont plus limitées à 50 actionnaires. Concrètement, elles peuvent faire des offres au public (avec un visa AMF donc) et chercher activement (en faisant du démarchage, de la publicité...) de très nombreux souscripteurs. Ensuite, elles ne sont plus tenues d'avoir deux salariés. Attention, ces allègements concernent avec certitude les nouvelles holdings. Pour les anciennes, rien n'est moins sûr. 

C'était déjà une petite révolution. Mais que dire du projet de loi Macron alors? 

Certains y verront sans doute d'excellentes nouvelles. D'autres seront plus mitigés peut être car la loi Macron pourrait marquer un coup d'arrêt aux mandats pour la campagne ISF 2016. 

Mais méfions nous aussi : ce coup de pouce n'est-il pas là pour "gommer" ou limiter les impacts futurs de la règlementation sur les aides d'état (et des conditions d'application des 15M€). Le débat entre la France et la commission européenne n'est pas encore réglé et c'est peut être là que le danger réside. 

Voici une liste des réformes figurant dans le projet de loi. Le suspens devrait durer jusqu'au 6 mai, date projetée d'adoption de la loi Macron.

1.        Augmentation des plafonds de réduction d'impot. 

A) Réduction d’ISF 

L’avantage fiscal en matière d’ISF prévu à l’article 885-0 V bis du CGI est augmenté afin d’encourager l’investissement dans les PME

Ainsi, la réduction d’ISF obtenue du fait d’un investissement direct dans une PME ou dans une holding passive passerait de 45.000 à 90.000 € par an, dans un FCPI ou un FIP, de 18.000 à 90.000 euros par an et le plafond global de réduction d’ISF ( en prenant en compte l’ensemble des investissements réalisés dans le cadre de l’article 885-0 V bis) serait plafonné en tout état de cause à 90.000 euros. 

Ces modifications s’appliqueraient à partir du 1er janvier 2016. 

B) Réduction d’IR : le relèvement du plafond global des réductions de l’IR au titre des investissements dans des FCPI et FIP 

Les réductions d’impôt sur le revenu au titre des investissements dans des PME, holdings, FCPI et FIP, étaient initialement soumises au plafond global des réductions à l’IR de 10.000 € mais entreraient dorénavant dans le plafond global de 18.000 €. 

Ces modifications s’appliqueraient à partir du 1er janvier 2016. Autrement dit, la campagne de fin d’année ne pourrait en profiter mais celle de 2016 pourra en bénéficier.

2.        L’interdiction d’imputer des frais ou commissions à la charge des sociétés cibles ouvrant droit à la réduction d'ISF : la fin des mandats de gestion et de conseil? 

L’article 885-0 V bis prévoit que les sociétés de conseil ou de gestion, ou les personnes physiques exerçant ces activités ou les holdings passives ne pourraient pas imputer de frais ou commissions aux sociétés cibles afin qu’elles les prennent en charge. De plus, ces mêmes sociétés ou personnes ne pourraient pas faire appel, pour la réalisation de prestations de services au profit des sociétés cibles, à des personnes physiques ou morales qui leur sont liées. 

La violation de ces interdictions serait passible d’une amende d’un montant maximal de 5 fois les frais indûment perçus. 

Concrètement, l'amendement vise à revoir le "business model" de la plupart des mandats de gestion ISF à tel point qu'on peut imaginer que de tels mandats pourraient ne plus exister pour la campagne 2016. Les holdings passives ISF ne devraient, en fait, être pas ou très peu impactées. Dès lors, il est probable de parier que la campagne ISF sera marquée par un retour en force des holdings passives : d'ailleurs certains gestionnaires ont eu le nez creux en lançant dès la campagne ISF 2015 de telles holdings. 

Ces modifications s’appliqueraient aux versements effectués à partir du 1er juillet 2015 : par versements, il faut semble t-il comprendre les versements réalisés dans des PME ou dans des holdings passives par les contribuables à l’ISF ainsi que les versements réalisés par les holdings passives dans des PME. En pratique, cela ne concernerait donc que les mandats ISF (et pas IR !) et les holdings passives (mais encore une fois pas ou peu impactées) commercialisés pour la campagne ISF2016 (et les suivantes).

3.        Réduction d’IR : l’ajout de nouveaux cas de maintien de l’avantage fiscal prévu à l’article 199 terdecies-0 A du CGI en cas de non respect de la condition de conservation (article 35 ter A du projet de loi) 

Une réforme plus modeste doit être signalée. Les hypothèses dans lesquelles le non respect de la conservation des titres des PME ou de la holding par le contribuable (investissement direct ou via une holding) ou des titres de la PME par la holding pendant 5 ans n'entraînent pas de réduction d'IR seraient complétées. L'idée est d'harmoniser ces cas sur ceux prévus en matière d'ISF. 

Ainsi les cas suivants seraient sans conséquence sur la réduction d'IR obtenue :  

  • en cas de fusion ou scission (au sens de l’article 817 A du CGI), sous conditions que les titres remis en contrepartie soient conservés jusqu’au même terme ; 
  • en cas d’annulation des titres pour cause de pertes ; 
  • en cas de cession stipulée obligatoire par un pacte d’associés ou d’actionnaires, sous conditions que 

- le prix de vente des titres cédés, diminué des impôts et taxes générés par cette cession, soit intégralement réinvesti par l’actionnaire minoritaire, dans un délai maximum de 12 mois à compter de la cession, en souscription de titres éligibles, et que 

- lesdits titres, objets du réinvestissement, soient conservés jusqu’au même terme. 

  • en cas d’offre publique d’échange de titres, sous conditions que 

- Les titres obtenus lors de l’échange soient émis par des sociétés éligibles, et 

- L’éventuelle soulte d’échange, diminuée des impôts et taxes générés par son versement, soit intégralement réinvestie sous 12 mois, en souscription de titres de sociétés éligibles, 

- lesdits titres, objets du réinvestissement, doivent être conservés jusqu’au même terme.

Florence Moulin, Avocate à la Cour

La loi Macron, une loi fourre-tout ?