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Loi Macron: une ordonnance facilitera le crédit inter-entreprises par les bons de caisse

Loi Macron et PME : crédit inter-entreprises, bons de caisse

Une ordonnance facilitera le crédit inter-entreprises par les bons de caisse

Le sujet de l’ouverture du monopole bancaire est régulièrement mis sur la table par voie d’amendements. Et tout aussi régulièrement repoussé par les gouvernements successifs. Et la semaine dernière, surprise ! Le gouvernement promet une ordonnance sur les bons de caisse qui devrait accélérer la désintermédiation.

Par Hubert de Vauplane, avocat à la Cour (Kramer Levin)

Passés relativement inaperçus, une série d’amendements parlementaires au projet de loi Macron visent à faciliter le crédit inter entreprise. De quoi s’agit-il ? De permettre à une société de prêter à une autre société, sans passer par une banque ou un autre intermédiaire financier.  Or, compte tenu du monopole bancaire en France, il n’est pas possible aujourd’hui à une entreprise d’octroyer un crédit à une autre entreprise, sauf à bénéficier des rares exceptions à ce monopole, comme par exemple le crédit à l’intérieur d’un même groupe de société, ou le crédit fournisseur.

Un premier amendement en ce sens a été déposé qui prévoit d’élargir les exceptions au monopole bancaire pour les plateformes de financement participatif aux personnes morales, alors qu’aujourd’hui seules les personnes physiques peuvent prêter à des entreprises sous cette forme en passant par un Intermédiaire en Financement Participatif.  Un autre amendement va encore plus loin en ce qu’il prévoit d’élargir plus globalement les conditions de financement des entreprises par d’autres entreprises, sans passer par une banque.

Certes, tous ces amendements ont fait l'objet d'un avis défavorable du gouvernement et ont été rétirés.  Mais dans la discussion sur les trois derniers amendements (972, 871, 880) et surtout 952, Emmanuel Macron a promis  de revoir la question et présenter un amendement en séance plénière permettant le financement par des personnes morales par les bons de caisse (*). C’est dans ce cadre qu’a été insérée au projet de loi une disposition autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour « aménager les dispositifs de suivi du financement des entreprises ». Lors des travaux en Commission, le ministre Macron a indiqué vouloir privilégier la piste des bons de caisse comme outil de financement désintermédiés des entreprises par d’autres entreprises. Si tel est le cas, il s’agira là d’une avancée majeure dans le mode de financement des PME / ETI dans la mesure où cette réforme reviendrait sur plus de 70 ans de contrôle de la distribution du crédit par des établissements régulés (hier, seulement les banques, aujourd’hui, en plus de celles-ci, les sociétés de financement, les assureurs et dans une certaine mesure les fonds de titrisation). Bien sûr, cet outil viendrait utilement compléter l’offre de financement des plateformes de crowdfunding et permettrait un réel engouement pour le financement désintermédié, à l’image de la plupart de nos voisins européens.

Quel modèle de distribution du crédit aux entreprises ?

En schématisant, on peut distinguer deux modèles de distribution du crédit aux entreprises en Europe et hors de France :

  • Un premier modèle où le crédit inter-entreprises est libre dès lors que les prêteurs n’exercent pas cette activité de prêt à titre principal. Le critère est ici celui de l’occasionnel. Tel est le cas en Allemagne et en Italie par exemple.
  • Un second modèle consiste à permettre aux entreprises de prêter à des autres entreprises dès lors que cette activité n’est pas exercée à titre professionnel. Ici, le critère est celui du ratio de levier entre les fonds propres et le montant du crédit distribué, propre au système bancaire. C’est le modèle de la Grande Bretagne. Dans une certaine mesure, c’est aussi la situation française pour les prêts participatifs de l’article L. 313-13 du code monétaire et financier.

Il n’en demeure pas moins que la France est aujourd’hui l’un des très rares pays au sein de l’Union européenne à prévoir un régime très restrictif dans l’octroi de crédit par une entreprise à une autre entreprise. Cela tient notamment au fait que l’un des critères d’application du monopole bancaire français est celui de l’habitude (et non le critère de l’activité accessoire ou professionnelle), pour lequel la jurisprudence de la Cour de Cassation a considéré que celle-ci commençait dès la deuxième opération de crédit.

Qu’est-ce que le bon de caisse ?

Le bon de caisse est un instrument ancien qui permet à des entreprises  de se financer directement auprès d’un prêteur. Il s’agit d’un titre représentatif d’une dette, et non d’un instrument financier (comme une obligation) ou un contrat de prêt (comme une opération de crédit soumise au monopole bancaire).  Il est facilement transmissible sous pouvoir faire l’objet d’une cotation en bourse. En fait, il s’agit d’une reconnaissance de dette. Ils sont définis par la loi comme des titres à ordre ou au porteur comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée et délivrés en contrepartie d'un prêt. Ils ne peuvent être souscrits à plus de cinq années d'échéance. Curieusement, ils ne sont pas dématérialisés, ce qui nécessite une gestion un peu lourde.

(*)Voir discussion en séance http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6284.commission-speciale-croissance-et-activite--examen-du-projet-de-loi-suite-apres-l-article-35---a-16-janvier-2015 et notamment sur l'amendement numéro 972 (discussion à 20 minutes 15 secondes +) et les numéros 871, 880 et 952 (discussion à partir de 1 heure 51 minutes 40 secondes).