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Eric Forest Enternext PEA-PME

PEA-PME : un peu de persévérance, que diable !

15 octobre 2014
Par Eric Forest et Jean Rognetta

En quelques mois, le PEA-PME a enclenché une dynamique positive : il représente 15% de l’encours des fonds spécialisés sur les PME-ETI. Mais son développement doit être soutenu par de nouvelles mesures.

L’impatience a conduit de nombreux observateurs à déclarer que le PEA-PME traversait une mauvaise passe, filait un mauvais coton, ne finançait pas les bonnes entreprises… L’heure est venue de mettre faits et chiffres en perspective. Les choix d’investissement des Français prouvent bien leur intérêt pour les entreprises, petites, moyennes ou de taille intermédiaire (PME-ETI). C’est au gouvernement d’agir désormais pour disperser les incertitudes initiales et mobiliser les financiers.

Prenons, par exemple, le chiffre de 80 000 plans d’épargne en actions de PME (PEA-PME) ouverts depuis le lancement de cet instrument, en mars dernier. Cette estimation peut sembler dérisoire à certains, comparée aux cinq millions de PEA ouverts. Mais le PEA-PME concerne, au premier chef, les Français qui détiennent un plan d’épargne en actions (PEA) ayant atteint le plafond fiscal. C’est de ces épargnants, plus aisés que la moyenne et déjà habitués aux actions de grandes sociétés, qu’on espère qu’ils placeront chaque année plus de 1 milliard d’euros dans les PME. Leur nombre avait été estimé à 60 000 avant que le plafond du PEA ne soit relevé. C’est à ce chiffre qu’il faut comparer les 80 000 PEA-PME ouverts, qui paraissent en perspective bien plus nombreux. L’encours peut aussi sembler bas : moins de 3 000 euros par PEA-PME en moyenne. Mais il est logique que les épargnants remplissent d’abord leurs PEA au nouveau plafond de 150 000 euros, avant de se tourner vers les PME.

Premiers effets bénéfiques sur le marché : 40 nouveaux fonds spécialisés sur les PME -ETI

Bref : en ouvrant des PEA-PME, les Français prennent date. 80 000 d’entre eux ont déjà pris rendez-vous avec leurs entrepreneurs. Et les premiers effets bénéfiques se font sentir. Le PEA-PME a suscité la création de 40 nouveaux fonds spécialisés. L’encours de ces fonds est encore faible (1,4 milliard d’euros), mais pour la première fois depuis 2007, ils ont connu une collecte positive. Grâce au PEA-PME, les gérants de ces fonds sont devenus plus actifs, contribuant à doubler la liquidité sur les titres des PME-ETI cotées.

Cette dynamique s’est prolongée sur les introductions en Bourse : de l’été 2013 à l’été 2014, une cinquantaine de PME-ETI ont opté pour une cotation sur Euronext, ce qui en a fait le principal marché financier de l’Eurozone pour ces entreprises. Toutes sources confondues, sur la même période, 10 milliards d’euros ont été levés par des PME-ETI cotées sur Euronext : deux fois plus que les années précédentes.

Bien sûr, le PEA-PME n’est pas la seule cause de ce mouvement de fond, mais il a participé à l’inversion de tendance. Or, la montée en puissance d’un instrument d’épargne se mesure sur des années, et non sur quelques mois. Prenons l’exemple des FCPI, lancés en 1997 ou des FIP en 2003. Ces fonds d’investissement dans les PME sont revenus à un record de collecte cette année. Mais il fallu beaucoup de temps pour qu’ils trouvent leur équilibre et plusieurs correctifs,  apportés par des lois de finances successives. L’Elysée semble déterminé à les réformer à nouveau.

Deux mesures pour faciliter l’accès du PEA-PME

Le PEA-PME, lui aussi, a besoin d’être ajusté à la réalité du terrain. Il faut amplifier considérablement l’effort de commercialisation : les banques et les intermédiaires financiers ne doivent surtout pas baisser les bras ! Pour cela, il est nécessaire que les parlementaires apportent quelques modifications par le biais, par exemple, de la loi de finances pour 2015. Nous en proposons deux, pour faciliter l’accès et augmenter l’attrait du PEA-PME, tout en le rendant plus efficace pour les entreprises.

« Si l’on veut que l’épargne aille vers le secteur productif, si l’on veut que l’épargne aille vers le financement long, il convient que le financement long soit davantage encouragé que le financement court. Et il faut donc que la durée de placement, la durée d’investissement, soit un des critères qui justifient les mesures fiscales », expliquait le Président de la République aux Assises du Financement, il y a une quinzaine de jours.

Le PEA-PME a été conçu sur ce principe. Pour le mettre en application, il suffit d’une part de ménager des passerelles entre les produits d’épargne, qui permettent par exemple de transférer des sommes de comptes monétaires vers des PEA-PME, sans impact fiscal. Dans le même esprit, on peut articuler les fonds PEA-PME avec les nouveaux contrats d’assurance-vie, Eurocroissance et Vie Génération, et en général les contrats en unités de compte. Mais il est aussi nécessaire d’améliorer les véhicules d’épargne que l’on propose au public.

Pour cela, une nouvelle forme de fonds est à l’étude, qui pourra contenir des sociétés cotées et non cotées, et donc drainer une partie de l’argent vers les plus petites sociétés. Mais une simple mesure technique, sans coût pour les finances publiques, peut aussi permettre de proposer un rendement aux souscripteurs et donc de créer des véritables plans d’épargne. Dans l’esprit initial du PEA-PME, tel que l’association PME Finance l’avait conçu, tous les titres donnant accès au capital de PME sont considérés à l’instar d’une action. Cela permettra aux professionnels de proposer des fonds composés d’obligations pour partie convertibles, et donc des produits de taux. L’épargne investie dans les PME, placée pour longtemps avec un plus fort risque que le livret A, devra servir fort logiquement un taux supérieur aux épargnants.

Proposée l’an dernier par de nombreux parlementaires, de droite comme de gauche, cette mesure technique se heurte à la méfiance contre les valeurs mobilières composées, qui nécessitent en effet un effort de pédagogie particulier. Mais personne ne pense ici à des produits dérivés complexes offert au grand public ! Il s’agit de donner aux professionnels, sous la surveillance stricte de l’AMF, la liberté de proposer des produits qui répondent à l’appétit des épargnants et aux pratiques des entrepreneurs. Sur les 10 milliards d’euros levés par des PME et des ETI en Bourse, ces douze derniers mois, plus d’un tiers l’a été à travers des émissions obligataires. Telle est la réalité du marché : les PME-ETI sont beaucoup plus sensibles que les grands groupes à la dilution de leur capital. Il ne sert à rien de vouloir la masquer si l’on veut – à la bonne heure ! – réorienter l’épargne des Français vers le secteur productif. C’est dans cette logique que le PEA-PME a réuni la droite et la gauche, les pouvoirs publics, les financiers et les entrepreneurs. L’intérêt bien compris de tous, avant de lancer de nouveaux instruments, c’est aujourd’hui de le faire fonctionner.

Eric Forest est président-directeur-général d’EnterNext, filiale d’Euronext dédiée aux PME-ETI

Jean Rognetta est président de PME Finance