Because entrepreneur is a French word

Créer un PEA PME efficace

Comment créer un PEA PME efficace ?

Bientôt, un nouvel instrument de financement des PME devrait prendre corps, inspiré du PEA, que certains – dont PME Finance – appellent "PEA PME". Mais quelle forme, précisément, doit-il assumer?

  • Le PEA PME pourra-t-il aider à la naissance de la Bourse de l'entreprise?
  • Favorisera-t-il l'émergence de nouvelles formes de financement, comme le crowdfunding et les marchés juniors?
  • Les titres cotés doivent-ils en être exclus ou, au contraire, favorisés?
  • Les obligations doivent-elles y être admises?


Pour en débattre, PME Finance a réuni le 5 mars entrepreneurs, associations professionnelles, financiers et places de marché.

Au programme:

Les enjeux du PEA-PME

Pour Thierry Giami, président de l’Observatoire du financement par le marché, l’un des problèmes français principaux se situe dans le décalage entre la bonne santé de l’épargne et l’absence de placement en bourse.

Il y aurait selon lui, deux conditions préalables au bon fonctionnement du PEA PME : un changement culturel, d’état d’esprit face au risque, d’une part ; l’efficience des marchés de financement des entreprises, d’autre part.

Ces nouveaux crédits seront drainés par les marchés : de la bourse, des business angels, des financements alternatifs et du crowdfunding. Thierry Giami rappelle à ce titre que 120 milliards sont déjà drainés par 7 millions de comptes PEA. Ce nouveau PEA PME soulève également des interrogations :

  • comment doit-on l’appeler ?
  • doit-il être dédoublé avec un autre produit en parallèle ?
  • quel plafond ? (132 000 euros aujourd’hui)

Il apparaît également essentiel de convaincre la classe politique de la nécessité de ce nouvel outil en mettant en exergue qui peut en profiter, et comment.

 

Thierry Giami: vers un PEA PME différent


D’un point de vue législatif, on peut d’ores et déjà tenir pour acquis que les entreprises françaises ne seront pas les seules à en profiter, puisque le PEA PME s’inscrit naturellement au niveau européen. Par ailleurs, l’amélioration des réseaux de commercialisation constitue un point nodal de la mise en place du PEA PME dont le succès est encore mitigé auprès des particuliers.
En ce sens Thierry Giami note l’importance d’élaborer la notion de risque, afin d’en modifier notre conception : aujourd’hui le risque n’est plus seulement du côté de l’entrepreneur, mais s’élargit à l’ensemble de la sphère économique, des clients aux fournisseurs. L’épargnant ne doit pas être considéré de manière naïve et sa réticence -voire son aversion - à la prise constitue une forte inhibition aux développements potentiels de PEA PME. Or pour la député Karine Berger, il ressort de l’étude qui est en train d’être menée sur ce sujet, et dont les conclusions seront prochainement rendues publiques, cette aversion n’est pas un caractère constitutifs de l’épargnant français, mais proviendrait davantage du vide juridique lié aux questions des droits des actionnaires majoritaires encore insuffisamment développés en comparaison de l’Allemagne notamment.

Comment le PEA-PME peut-il favoriser le développement de nouvelles formes d'épargne longue: finance participative (crowdfunding), business angels, Bourses régionales, marché d'acclimatation...

La première table-ronde a permis de mieux comprendre (ou cartographier) l’écosystème du PEA-PME, en croisant les points de vue de trois acteurs différents (business angels, plateformes alternatives et crowdfunders), autour de trois questions principales :

  1. qui sont les entrepreneurs et investisseurs qui viennent à ces nouvelles formes d’investissements ?
  2. comment se passe cette croissance ?
  3. comment le PEA-PME peut participer à cette croissance ?
Table ronde I: PEA PME et épargne longue

 

Pour Jean-Luc Heussler, secrétaire général d’Alternativa, les business angels aiment être associés de manière étroite à l’entrepreneur qu’ils décident de soutenir, notamment par leur accompagnement stratégique et le partage de leur réseau. Leur appétence pour connaître de nouvelles sociétés est grande et leur ticket d’investissement est en moyenne de 13 000 euros en 2013. La plupart sont soumis à l’ISF et les aspects fiscaux constitue une part non négligeable de leur intérêt. Les business Angels travaillent de plus en plus avec les acteurs du capital-risque investissement.

François Carbone, président de la FPF, remarque à ce titre que les tickets d’investissements sont compris entre 1000 et 10 000 euros en moyenne.

Pour Benoît Bazzocchi, président de SmartAngels,  les investissements sont davantage liés au crowdfunding dont l’approche dessine une autre contrée sur la carte des investisseurs, moins impliqués dans la sélection et la structuration des projets que les Business Angels. Leur intérêt principal se situe davantage vers la rencontre avec les entrepreneurs et la connaissance de nouveaux métiers.

Pour Barbara Belvisi, fondatrice de PiedElephant, les fonds d’investissements posent un problème récurrent d’amorçage où l’épargne de particuliers ne pourra être sollicitée qu’avec une éducation de la population à la prise de risque.

Concernant le placement de l’épargne dans le tissu PME, la principale difficulté pour Philippe Gluntz, Président de France Angels, réside dans l’absence de fléchage des investissements, contrairement à n’importe quel autre achat, comme celui d’appartement par exemple. Il faut donc le plus rapidement possible structurer et baliser le paysage pour l’investisseur potentiel.

Enfin, François Carbone rappelle que la transparence sera essentielle aux PEA-PME, comme elle l’est aujourd’hui dans le crowdfunding où l’on investi concrètement dans des entreprises et non pas de manière abstraite dans des produits.

Les règles du PEA existant sont encore trop complexes et trop rigides pour Philippe Gluntz, l’investissement est soumis à une augmentation du capital, et ne peut pas être obligataire. Faire comprendre cette complexité - qui s’allégera peut-être – aux investisseurs potentiels apparaît donc comme une nécessité.

Les liquidités sont également un point nodal du PEA-PME.

De la TPE à l'ETI: le rôle des particuliers dans la croissance des PME

La deuxième partie de cette rencontre a ensuite été  l’occasion de remettre en perspective l’enjeu d’un PEA-PME dans le contexte plus large de l’économie française, avec Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Economistes, président d’honneur de PME Finance. Si notre pays a plongé plus durement que les autres dans la crise, c’est parce que nous avons moins investi :

Jean-Hervé Lorenzi: au coeur de l'épargne

Il apparaît donc urgent de passer à l’action et de tirer partie de l’un des atouts principaux de la France : une jeunesse vive et très créative, en élaborant dans un discours dynamique deux, trois ou quatre propositions simples à développer auprès du grand public. Réfléchir ainsi à ce que serait un nouvel équilibre à mettre en place avec un peu plus de risque, et peut-être un peu plus de rendement.

Comment faire du PEA-PME un instrument d'épargne populaire fléchée vers les PME?

Selon Philippe Tibi, président de l’Amafi, trois qualités au moins doivent fonder ce nouveau PEA-PME : la simplicité, la cohérence et l’attractivité. La France est un pays d’entrepreneurs qui n’est pas adverse au risque, où l’engagement est surtout conditionné par une fiscalité intéressante. Les titres éligibles seraient également obligataires à hauteur de 30 %.

Marc Lefèvre, directeur du listing de Nyse-Euronext, soulève l’importance également du PEA-PME pour revitaliser la bourse de l’entreprise Nyse-Euronext dont elle pourrait constituer le carburant. Il faut cependant bien distinguer marché primaire et  marché secondaire, où le taux d’épargnants particuliers varie de 20-25% pour le premier, jusqu’à 5 à 7% pour le second.

Table ronde II: PEA PME parcours fléché


Débats et structuration doivent être menés assidûment pour Bernard Cohen Hadad, président de la commission Financement de la CGPME, si l’on veut éviter que le PEA-PME ne soit qu’un produit de plus, alors qu’il est susceptible de renouveler le système des épargnes, le faisant passer de produits liquides et sécurisés à court terme, à des épargnes longues et risquées.

Le terreau d’implantation semble également fertile pour Aldo Sicurani, directeur général de la FIIC, avec la perte importante d’actionnaires sur les autres marchés ces dernières années. Là encore, un réseau de distribution sensibilisé au PEA-PME sera le garant de son bon fonctionnement. Selon lui, la rentabilité et l’implication sociétale serait les deux clés pour un PEA-PME. Il faudrait également davantage d’offres obligataires sur les deux marchés, primaire et secondaire.

La réussite du PEA-PME permettrait ainsi d’éviter l’augmentation des investissements étrangers en France, dont le taux est passé de 1% il y a 20 ans à 4% aujourd’hui, souligne Arnaud Bresson dans la salle. Ces investissements sont en effet synonymes d’attractivité française, mais également de fragilisation.

Conclusion

La conclusion de cette matinée de réflexion, confiée à Karine Berger, députée des Hautes-Alpes, membre de la commission des finances à l’Assemblée, a dévoilé en avant-première les grandes lignes du rapport à propos du PEA-PME et les interrogations qu’il avait soulevé. Les spécificités de l’épargne financière doivent être constamment repensées et elles l’ont été au travers de trois points clés :

  1. la disponibilité des liquidités
  2. la prise de risque
  3. qui réclame et qui veut cet argent ?

 

Karine Berger: canalisons les flux de l'épargne

 

L’épargne financière, c’est 3500 milliards d’euros qui déplace la question de la disponibilité de ces liquidités vers le fléchage de cet argent.

La problématique du risque à long terme, concerne avant tout la question du risque. Le système de fléchage de l’épargne financière a toujours été pensé au regard du risque pris par l’épargnant, ce qui a eu pour effet de mettre en œuvre une défiscalisation à l’entrée, qui nous fait regarder ce que l’on gagne et pas les risques, dont la question reste en suspens.

Il est indispensable de renouveler notre perception du risque en réfléchissant non pas en terme d’avantages à l’entrée, mais à la sortie : quelle est la rentabilité à long terme de notre investissement ? Il y aurait donc une articulation nouvelle à construire autour des intérêts de l’épargnant, qui se déplacerait de l’entrée vers la sortie et renouvellerait son fonctionnement de pensée.

La pédagogie résiderait surtout, selon Karine Berger, dans l’obligation pour les épargnants de s’intéresser à la rentabilisation de ce qu’ils financent. C’est là que le PEA-PME intervient, non pas comme un système parallèle à celui de l’assurance-vie déjà considérable, mais comme une captation de l’argent du premier système par des canaux à mettre en place. Le but : canaliser de manière adéquate les flux d’argent, au regard de ce que l’on veut irriguer, à l’instar des moyens mis en place pour canaliser la Durance dans les Hautes-Alpes.

Il faudrait pouvoir mobiliser les particuliers à partir d’un mouvement où il n’y a pas d’approche idéologique.

Il faut faire une distinction essentielle entre les personnes individuelles ou les collectivités qui prennent des risques.

Ces prochaines années seront cruciales pour l’expansion économique de la France et le projet de PEA-PME constitue le cœur de ces avancées à mener. Or il apparaît que le refus plus ou moins conscient des entrepreneurs d’ouvrir leur capital aux actionnaires minoritaires proviendrait de leur incertitude quant aux pouvoirs qu’ils peuvent exercer ensuite dans leur propre entreprise. Karine Berger rappelle en ce sens que les allemands applique un droit particulier de protection des actionnaires de long terme, depuis 1890. C’est un point politique et juridique crucial à résoudre, si l’on souhaite que la canalisation des liquidités arrive quelque part.

Mobilisation et enthousiasme entourent donc ce projet crucial de PEA-PME, dont les modalités de fonctionnement sont aujourd’hui en bonne voie de structuration.