Comment est-on arrivé à si mal concilier économie libérale et financement des PME?
Comment est-on arrivé à si mal concilier économie libérale et financement des PME ?
09 février 2011
La finance est-elle ou non au service de l’économie ?
Au bout d’une crise majeure dont nous sentons encore les soubresauts, a-t-on adopté des réglementations et comportements plus tournés vers l’économiquement plus utile et le financièrement moins choquant ?
A-t-on suffisamment agi pour appuyer le cœur de notre économie, ces PME qui sont le moteur de la croissance car elles sont les entreprises qui innovent, qui embauchent, qui produisent et exportent le plus. Et elles ont d’autant plus besoin de cet appui que, malgré quelques succès spectaculaires, notre tissu national a des carences : ces PME sont trop dépendantes, petites, de subventions et dégrèvements fiscaux, et plus grandes elles ne se développent pas assez. Certes, la responsabilité n’en incombe pas uniquement à la planète finance, mais encore faut-il que celle-ci puisse continuer à être un moteur dynamique et non pas incertain comme actuellement.
Si nous voulons que nos économies retrouvent le chemin de la croissance les acteurs financiers, banques et investisseurs doivent reprendre la place pleine et entière qui doit être la leur dans le financement de la croissance des entreprises.
Mais s’est-on seulement posé les bonnes questions dans les évolutions récentes du monde financier ? On a su parler des abus des traders, de l’opacité des produits financiers, des excès des LBO. Mais a-t-on suffisamment réfléchi à la réconciliation de la finance et de l’économie ? Car que s’est-il passé dans les deux dernières décennies: la rentabilité financière a été reconnue comme le seul critère de mesure de l’utilité économique :
aux banques on a demandé de faire la course au ROI et de développer leurs lignes de produits les plus rémunératrices : ni les compartiments actions, ni les crédits aux entreprises, a fortiori les PME. Elles ont donc naturellement détourné de ces activités leurs meilleures ressources humaines et financières,
aux marchés on a demandé d’être des entreprises « normales », et donc aussi de développer leurs activités les plus rémunératrices : ce n’étaient ni les départements actions, ni les compartiments des valeurs moyennes, mais bien les dérivés. L’aboutissement de cette tendance a été l’acquisition au nom de la consolidation de la bourse européenne par le NYSE et le désintérêt croissant montré pour les compartiments dits « cash » (actions), à commencer par les petites valeurs, intrinsèquement peu rentables,
aux fonds d’investissement s’est appliquée la même logique et donc la préférence pour les LBO et autres montages à levier sur le capital développement et le capital risque.
Pour résoudre la crise à laquelle on a abouti, la réponse fournie en France a été un spectaculaire et très efficace retour de la puissance publique dans le financement de l’économie. Que ce soit sous forme directe d’investissement, de garantie ou de prêt, ou sous forme indirecte de dégrèvements fiscaux en tous genres ou de médiation, c’est bien l’intervention publique qui a permis que la crise n’ait pas d’effets plus dramatiques sur les PME.
Il s’agit aujourd’hui de revenir à un système plus stable, qui fait l’objet de règles nouvelles.
Et l’on peut se demander si, dans la préparation des nouvelles réglementations, l’on n’a pas privilégié un mode de gouvernance anglo-saxon donnant une place prééminente aux «shareholders » sur les « stakeholders » ?
Il fallait protéger contre les excès, évidemment. Mais la réponse réglementaire a été de protéger l’épargnant plus que l’entreprise : car MIF, Bâle III ou Solvency II ont bien en commun de s’assurer de la protection de l’investisseur final, que cela soit des marchés, des banques ou des entreprises, plus que de mesurer les conséquences des règles sur la souplesse du financement de l’économie.
La question qui se pose donc aujourd’hui est celle de l’intérêt de l’entreprise, qui dans ces sujets là n’était pas un « shareholder », mais un « stakeholder » dont l’intérêt n’a peut-être pas été suffisamment pris en compte.
Le « retour à la normale » n’est pas rassurant aujourd’hui pour les PME.
Elles comprennent que les investisseurs institutionnels vont être plus contraints donc moins présents, et que les banques vont avoir une politique plus dure.
Il ne serait pourtant pas normal que dans une économie libérale, l’on demande à la puissance publique de continuer de prendre le relais d’une initiative privée insuffisante. Et pourtant …
Les sujets du financement de l’économie ne sont pas résolus :
l’épargne existe mais s’oriente insuffisamment vers les PME : comment attirer les investisseurs ? Comment leur apporter un cadre d’intervention stable et durable, qui leur permette de développer leur goût du risque et de l’investissement en actions, mieux développé chez nos voisins anglo-saxons ou du nord ?
comment développer une industrie digne de ce nom du capital risque et du capital investissement, alors qu’elle ne couvre aujourd’hui que moins de 10% des besoins, que les banques ont dû se séparer de ces activités, et que les assureurs voient leur possibilité d’investissement limitée ?
comment développer des marchés financiers pour les PME, qu’ils soient d’actions ou d’obligations : il y a 25 ans existaient des bourses régionales et des emprunts groupés. Pourquoi ne pas retrouver ces outils simples et utiles ?
comment redonner aux banques la culture de l’accompagnement des PME et changer la relation banque-PME, lorsque cela n’est pas incompatible avec le fait de faire payer le risque engagé?
comment rendre efficace et raisonnable la chaîne d’intermédiation ?
En bref, comment sortir du cercle vicieux où la puissance publique sauve le système libéral à coups de subventions, défiscalisation, garanties, financements directs en tous genres ?
Les réponses ne peuvent pas être trouvées dans des cercles de réflexion –et ils ont été nombreux depuis la crise- où se côtoient plus de représentants des ministères et des institutionnels que des entrepreneurs. A eux aujourd’hui de faire entendre leur voix et de se prendre collectivement en main. Et ils le font de plus en plus.
Exemple doit être pris sur quelques initiatives qui, à l’instar de ce qui existe dans le Nord, ont été prises par des entrepreneurs pour des entrepreneurs : des outils financiers créés par eux et qui ont permis, en allégeant le risque, de favoriser la venue dans les financements d’autres acteurs financiers, comme la caution mutuelle, des petits fonds d’accompagnement…
Le développement du financement des PME ne peut que passer par la réorganisation et le renforcement des tissus locaux et un meilleur dialogue entre les acteurs régionaux et nationaux.