Because entrepreneur is a French word

projet loi de finances rectificative 2015

Projet de loi de finances rectificative pour 2015

Par Florence Moulin, avocat au Barreau de Paris (Jones Day)

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 (PLFR) présenté en conseil des ministres vendredi 13 novembre contient plusieurs mesures intéressant le financement des entreprises.

Parmi celles-ci :

1. Une réforme de l’ISF PME (TEPA) et des FCPI et FIP

a) Réforme de l’ISF-PME

Cette réforme vise à mettre en conformité le dispositif aux nouvelles règles sur les aides d’état. Il en résulte que le champ des entreprises éligibles a été resserré.

L’entreprise devra, outre les conditions actuelles, répondre à l’une des trois conditions suivantes :
a.    n’exercer son activité sur aucun marché, ou
b.    exercer son activité sur un marché, quel qu’il soit, depuis moins de sept ans « après sa première vente commerciale », ou
c.    avoir un besoin de financement sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marche géographique ou de produits, supérieur a 50 % de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes.

L’entreprise bénéficiaire ne devra pas non plus avoir déjà fait l’objet d’un investissement ayant donné lieu à réduction d’ISF par le redevable en cas de souscription directe ou par la holding en cas d’investissement indirect, sauf sous certaines conditions.

En contrepartie, le montant total des versements que l’entreprise est susceptible de recevoir (de redevables, de holdings ISF ou de FCPI/FIP ISF) passe de 2.5 M€ sur 12 mois à 15 M€ sans limite de durée. Mais, pour apprécier ce plafond de 15 M€,  il faudra tenir compte des aides dont l’entreprise a bénéficié « au titre du financement des risques sous la forme d’investissement en fonds propres ou quasi-fonds propres, de prêts, de garanties ».

Enfin, la réduction d’ISF ne sera pas reprise lorsque le redevable ne conserve pas les titres de la société ou de la holding, en cas de licenciement ou d’invalidité.

Cette réforme serait applicable aux souscriptions effectuées dans des entreprises à compter du 1er janvier 2016 (la modification sur les réinvestissements s’appliquant aux investissements initiaux effectués à compter du 1er janvier 2016). Ainsi, le redevable qui souscrit directement dans une PME ou qui souscrit au capital d’une holding à compter du 1er janvier 2016 sera concerné.


b) Une réforme des FCPI et des FIP
 
Les FCPI et FIP voient aussi leur univers d’investissement contraint.

Les sociétés éligibles au quota d’investissement de 70% (ou plus) doivent, outre les conditions existantes  :
-    être des PME au moment de l’investissement initial du fonds : cela a notamment un impact pour les FCPI qui pouvaient investir dans des sociétés comptant plus de 250 salariés,
-    comme pour l’investissement direct, elles doivent remplir l’une des 3 conditions mentionnées ci-dessus aux a) à c), à la différence près que le délai de 7 ans mentionné au b) passe pour les FCPI uniquement à 10 ans.

Les investissements éligibles pourront être réalisés en actions, obligations converties, obligations convertibles et en avances en compte courant, étant précisé que les deux premières catégories doivent représenter au moins 40% de l’actif du Fonds.
Les investissements peuvent également comprendre des rachats de titres pour autant que, apprécié entreprise par entreprise, les titres acquis le sont pour une valeur au moins égale aux titres déjà souscrits ou que le Fonds s’engage à souscrire postérieurement.

Cette réforme serait applicable à compter du 1er janvier 2016 pour les FIP et FCPI.

c) Critiques

Le texte du PLFR suscite de nombreuses critiques. Au-delà des critiques qui concernent davantage le règlement général d’exemption européen, les principales critiques sont de trois ordres.
 
D’abord, on peut regretter que les règles n’aient pas été allégées et harmonisées. Les règles d’investissement sont nombreuses : il été souhaitable de les revoir et de les alléger. Surtout, on peut regretter l’absence d’harmonisation d’une part des régimes de réduction d’IR et d’ISF en cas d’investissement direct et d’investissement indirect et d’autre part des régimes de réduction  d’ISF et d’exonération d’ISF. Ces différences ne sont que le fruit malheureux d’évolutions législatives. Elles n’ont aucun sens et l’harmonisation aurait été source de simplification.

Ensuite, force est de constater que le texte présenté en conseil des ministres va parfois au-delà de ce que le règlement général d’exemption exigeait ou ne correspond pas aux annonces qui avait été faites. Ainsi, les FIP et FCPI ne devraient plus pouvoir souscrire à des obligations convertibles et d’une manière générale à des titres donnant accès au capital. C’est en tout cas, ce que laisse à penser une lecture stricte du texte. En effet, le projet de texte exige que les titres éligibles « confèrent à leurs souscripteurs les seuls droits résultant de la qualité d’actionnaires ». Il s’agit manifestement d’une erreur de rédaction puisque le texte rend éligible les avances en compte courant. Le texte poursuit en indiquant que sont éligibles au quota les « titres reçus en contreparties d’obligations convertibles ou converties ». Si l’on comprend bien la notion de « titres reçus en contrepartie d’obligations converties », l’exercice est plus difficile pour les titres reçus en contreparties d’obligations convertibles…Bref, on peut penser que la volonté (in extremis) était d’englober les obligations convertibles mais force est de constater que ce n’est pas ce que dit stricto sensu le texte…par ailleurs, si le texte les autorise, pourquoi interdit-il les autres titres donnant accès au capital tels que les ORA ou les OEA ? Quel sens cela a-t-il ?

Enfin, les fonds agréés avant le 1er janvier 2016 ne devraient pas bénéficier d’une clause grand-père. Les modalités d’investissement décrites ci-dessus s’appliqueraient aux fonds anciens et nouveaux pour tous leurs investissements réalisés à compter du 1er janvier 2016. L’absence de clause de grand-père pour les fonds est incompréhensible. Ces fonds ont été commercialisés auprès d’investisseurs sur la base d’une politique d’investissement convenue. Changer la donne en cours de route est inacceptable et il est fort probable que l’AMF, au nom de la protection des épargnants,  réagisse.

2. Une réforme du PEA –PME

Les sommes versées sur un PEA-PME pourront désormais être investies dans des obligations convertibles ou remboursables en actions (ou dans des SICAV investies à hauteur d’au moins 75% dans des titres éligibles au PEA-PME). Mais ces titres ne sont éligibles que si :
-    ils sont admis aux négociations sur un marché règlementé (Eurolist par exemple) et
-    si l’entreprise émettrice est :
* une ETI (ie d’une part moins de 5.000 salariés et d’autre part CA inférieur ou égal à 1.500M€ ou total de bilan inférieur à 2.000 M€) ; et
* dont la capitalisation boursière et inférieure à 1.000 M€ et
* dont aucune personne morale ne détient plus de 25% de son capital,

Cette réforme est-elle suffisante pour permettre un véritable engouement des investisseurs et des distributeurs pour le PEA-PME ? Rien n’est évidemment moins sur.


3. Le corporate venture : à quand une entrée en vigueur ?

Le « corporate venture » ou « amortissement exceptionnel des investissements des entreprises dans les PME innovantes » verra t-il un jour application ? On finit par en douter. Adopté fin 2013, soit il y a plus de deux ans, le dispositif n’est jamais entré en vigueur mais a quand même fait l’objet de plusieurs réformes législatives dont celles de l’an dernier. Une nouvelle fois, le PLFR apporte des modifications au dispositif :
-    les rachats de titres de sociétés innovantes par des FCPR, FPCI, SCR sont autorisés dans des conditions analogues à celles prévues pour les FIP et FCPI (cf ci-dessus),
-    les PME investies directement par le corporate ou indirectement par des FPCR, FPCI et SCR doivent n’exercer leur activité sur aucun marché, ou exercer leur activité sur un marché, quel qu’il soit, depuis moins de 10 ans « après sa première vente commerciale ».
Quoiqu’il en soit, il semble que le nouveau dispositif n’est toujours pas été validé par la commission européenne, si bien que nous ne savons pas s’il entrera en vigueur et si oui, à quelle date…….